Résumer l’histoire de Baie-Johan-Beetz demande un retour sur les traces de Joseph Tanguay né en 1818, à Berthier-sur-Mer.
Comme plusieurs de ses concitoyens, il se retrouve à la solde de la Compagnie de la Baie-d’Hudson pour laquelle il prélève le saumon dans plusieurs rivières de la Basse-Côte-Nord, à partir de 1839-1840. Il y épouse Marguerite Murdock, une métisse, en 1849. Dès 1853, le Gouvernement restreint le monopole de la Compagnie pour favoriser la colonisation de la région, il en cassera le bail en 1859. Joseph a donc la possibilité d’obtenir ses propres permis de pêche commerciale. Il se déplace à plus de 200 kilomètres vers l’ouest et installe sa maisonnée à la Petite-Watshishou, vers 1855. De là, il exploite aussi deux rivières voisines. En 1868, il perd tous ses biens dans un violent feu de forêt. Avec sa famille de neuf enfants, il retourne à Québec.
En 1872, parents et enfants décident de revenir sur la Côte-Nord. Ils s’établissent à la rivière-Piashti, d’où le nom du hameau : Piashti-Baie, devenu Piastrebaie sous la plume des agents gouvernementaux ou des missionnaires? En 1897, un jeune aristocrate belge : Johan Beetz, arrive au village et épouse la petite-fille de Joseph Adéla Tanguay. Puis il construit la grande maison et y élève sa famille. Il adopte les coutumes du pays, tout en pratiquant l’élevage du renard argenté dont il fixe la race.
En 1918, il soustrait le village au danger mortel de la grippe espagnole en imposant une quarantaine. Conscients du bienfait de l’initiative, les habitants demandent que le nom du village soit désormais celui de Baie-Johan-Beetz , nom déjà donné au bureau de poste et utilisé souvent localement et régionalement.
La famille Beetz quitte pour Ville-Saint-Laurent en 1922. La villa vendue à des Américains en 1926, devient la résidence d’été de Mary Fife de 1930 à 1963. Femme débonnaire, Mary aime les gens, les visite, leur fournit des médicaments, prend soin de ses employés, organise annuellement une grande fête pour parents et enfants, photographie gratuitement chaque famille, etc. L’habitation est alors appelée : Maison à Madame Fife. En 1979, classée bien patrimonial, elle est renommée Maison Johan-Beetz.
Sous la propriété des neveux de Mary Fife, les droits privés de pêche aux rivières : Piashti et Petite-Watchichou, se refondent en pourvoirie, en 1983. Quand les Américains se retirent, en 2000, la Pourvoirie de Baie-Johan-Beetz est vendue au gérant local : Marcel Bourque. La famille Tremblay l’acquiert en 2002. Pour répondre à la demande, les visites de la maison, commencées avant l’ouverture de la route, deviennent officielles de1997 jusqu’en 2010. Les propriétaires d’alors ne voient pas l’importance de continuer l’activité. Déçus, les citoyens pensent différemment.
Club privé et Pourvoirie ont longtemps procuré travail et mieux-être. Les villageois s’attendent à ce que la maison restaurée contribue encore à l’économie locale. Sa prestance sur le rocher, son décor intérieur, l’âme qui l’habite rappellent l’une des meilleures parts de leur histoire! Emblème du village, traitée avec respect et fortement liée à la vie baie-johannaise, la Maison Johan-Beetz séduit au-delà du temps et des lieux! Pour tous, ce legs culturel demeure un héritage précieux!
Depuis 2018, de nouveaux propriétaires planifient un projet revalorisant la Maison Johan-Beetz, tout en profitant du site unique du village.
Texte : Anne-Marie Tanguay, avril, 2021
Image: Chasse au loup marin, collection d’Yvon Tanguay.